Parce que j’ai des antécédents familiaux et personnels (surpoids, 1er enfant après 30 ans, etc.), je suis en catégorie « risque élevé » niveau cancer du sein, mention « ça fait grave flipper hein ? »
J’ai ainsi l’extrême privilège depuis mes 35 ans d’avoir ma petite mammographie régulière.
J’en suis donc à ma 3ème (ouais une habituée, quoi!), et celle-ci étant passé et bien passée, je m’en vais te conter, toi novice, de la mammo ou moins novice, mais qui flippe toujours autant, ce moment de bonheur intense, que toute femme doit connaître tôt ou tard. Si, si j’insiste mesdames, ça fait flipper, c’est pas agréable mais il faut le faire, c’est primordial. Si petit problème, il y a, plus tôt petit problème est débusqué, meilleur tes chances de guérison sont. Toi, tout compris ?
Allez je t’explique !
C’est donc pleine d’une belle assurance, parce que « Eh dis donc, ça va être ma 3ème, donc, steuplé, je sais komment k’sa se passe ! », que j’ai pris rendez-vous 1 mois et demi plus tôt , suite à une visite de contrôle chez la gynéco (encore un de ces moments de plaisir féminin…)
« Pas avant 1 mois et demi ? ? Ah…. bon, ben c’est pas grave, je prends de toute façon… »
Et dans ma tête, je savais déjà que le stress commencerait d’autant plus tôt que le rendez-vous était d’autant plus loin… Mais que faire ?
Rien, alors on attend…
Donc, clairement, pour ma part, le gros stress commence 1 semaine avant. Je passe de « j’espère que tout ira bien » à « JE VEUX PAS MOURIR MAINTENANT ! » en quelques heures, avec toute une panoplie de « si ça m’arrive, je vais me battre comme une lionne » , « j’écrirai un livre pour les enfants », « il faut que je fasse ma carte de donneur », « j’attendrai pas de perdre mes cheveux, je me rase avant ma 1ère chimio » et le fameux « Si j’m’en sors, je me fais tatouer SURVIVOR sur le bras »
J’arrive donc prête à m’enfuir à toutes jambes, pleine de courage, à l’accueil du cabinet, où après enregistrement, on me demande de patienter dans la « salle des mammos ».
Déjà pourquoi séparer les « mammos », des autres radios, on a l’impression d’être en quarantaine !
Je me retrouve donc à patienter avec d’autres femmes, seules ou accompagnées de leur maris dans une salle d’attente minuscule. Tout est fait pour que tu sois mal à l’aise ou quoi ?
J’essaie de deviner sur les visages les histoires. Toutes ces femmes sont plus âgées que moi. Vraiment plus âgées. La plus jeune a au moins 55 ans. Que pense-t-elle de moi ? Partage-t-elle mes inquiétudes ? Essaient-elles, elles aussi, de deviner mon parcours, mon histoire ? De sentir ma peur ? Si nous ne parlons pas, et restons dans notre bulle, aucune n’est hostile en tous cas, et je vois plutôt des visages cherchant à sourire. Pour mieux combattre l’angoisse ? Je ne saurais dire.
« Mme CHEVALIERDELALUNA ? »
« OUI ! C’est moi ! »
Je me lève comme si j’avais été réveillé en pleine nuit.
«Enlevez le haut s’il vous plait et placez vous face à la machine »
J’imagine, ces mêmes mots répétées depuis 9h00 du matin, chaque jour de la semaine… Sérieux, elle doit en avoir marre de nous voir à moitié à poil, l’autre moitié flippée !
« Alors depuis que vous êtes venu, il y a eu quelques petits changements dans le cabinet. »
Ah bon….
« Je vais vous expliquer en même temps que nous procédons. Nous avons donc une nouvelle machine, qui prend des plans de coupe, ce qui permet de ne plus avoir à prendre les plans obliques, car nous avons une vision, plus panoramique du sein, et bla bla bla bla bla… »
Fait-elle cela pour me détendre, me dis-je ? Je n’en sais rien, toujours est-il que je lui réponds « Ah génial, ça donne une meilleure lecture du résultat alors ? », alors que j’ai envie de lui dire « Lâche moi, je m’en fous grave, je veux juste me rhabiller et rentre chez moi pour me cacher sous ma couette, pour entrer en hibernation et ne plus parler à personne, juste attendre que le cancer me tue, et là , vous serez bien content, hein ! » Oh merde, je crois que je perds pied !
Après plusieurs plans de coupe donc ! Et autres écrabouillages super sympa de nénés, je retourne en salle d’attente toujours aussi minuscule, et avec d’autres gens, mais aussi des gens qui étaient là au début.
Une des patientes est appelée par la directrice du cabinet (c’est elle qui donne le verdict, la grande prêtresse de la mammo, que tu as envie d’embrasser à la fin de la consultation, quand elle dit « Non c’est super, tout va bien ! »), et alors que j’essaie de me concentrer sur un magazine féminin, d’une haute portée intellectuelle, en relisant pour la 8ème fois la même phrase, j’entends alors qu’elle est à coté de la porte quelques phrases « Il faut que l’on fasse une biopsie » « ça ne doit pas vous inquiéter » « c’est juste quelqu’un qu’on ne connaît pas, à qui on va demander ses papiers », « pour moi, je suis sure, que ce n’est rien d’important ».
Et là, je commence à partir … je me vois à la place de la patiente, je n’entends plus ce que la prêtresse de la mammo me dit, tout tourne autour de moi, je suis comme dans un mauvais film, ça va trop vite, je vois ces lèvres bouger, mais je ne comprends ce qu’elle me dit, ça bourdonne, ça tangue, ça… « MADAME CHEVALIERDELALUNA ? » « OUI !!!! »J’ai crié, je vous assure que j’ai crié… Honte, moment de solitude, envie de me cacher sous mon magazine féminin à haute portée intellectuelle…
M’y voici donc chez la prêtresse ! « Vous pouvez vous dévêtir ici, et vous allongez, on va faire une écho! »
OH PUNAISE ! Dans ma tête s’il y a besoin d’une écho, c’est pas bon signe. Si tout va bien sur la mammo , t’as pas besoin d’écho !
Je suis presque contente de m’allonger, tellement mes jambes ne me portent plus.
« Alors comment ça va depuis la dernière fois ? Pas de douleurs ? Pas de sensations inhabituelles ? Vous avez vu qu’on a un nouveau matériel plus perfectionné ? »
« Dépêche, je vais faire un malaise dans ton cabinet ! Oui ,c’est super. Bravo.»
Et là, après quelques secondes de silence in-ter-mi-na-ble, elle prononce la formule magique : « Bon ben c’est parfait, tout va bien ! »
OOOOOOOOUUUUUUUUUFFFFFFFFFFFFF !
Ok, ça paraît très con de se mettre dans des états pareils après coup, mais honnêtement, quel accompagnement psychologique propose-t-on si on nous annonce qu’il faut « vérifier » ou « inspecter » ou « analyser » ou « surveiller »cette petite grosseur ? Et ne pourrait-on faire en sorte que les rendez-vous soient moins espacés dans le temps ? Mettre en confiance, accompagner, préparer… C’est peu mais c’est aussi beaucoup.
Je dédie cet article à toutes celles qui ont vécu cette angoisse, à toutes celles, à qui on a dit qu’il fallait vérifier, analyser, inspecter, surveiller, à toutes celles qui se battent en ce moment, à toutes celles qui doivent le faire mais qui n’osent pas, à toutes celles qui vont devoir le faire, et à toutes les autres, aussi . Go girls !